Matérialisations du discours

Matérialisation du discours
Spatialité des énoncés

Pour articuler des notions abstraites et les rendre aisément accessibles, les énoncés qui s’adressent à une large audience font nécessairement appel à la métaphore, permettant de visualiser les idées qu’ils exposent. Le flux du discours s’apparente en ce sens à celui de la vidéo, présentant un enchainement d’images verbales au cours duquel les représentations se suivent en s’entrelaçant, associant l’image au son. Lorsque le discours va trop vite, la mémoire n’a le temps de former qu’un souvenir écran.

L’efficacité du discours repose alors en grande partie sur le pouvoir imageant de la langue, sur les associations d’idées toutes faites qu’elle colporte à travers son histoire. Les métaphores les plus éculées mettent à disposition des lieux communs qui font office d’espace de réflexion, enfermant les débats publiques dans des domaines indexés. Ces métaphores préconçues procèdent de transferts lexicaux d’un champ social à l’autre, voire appliquent le parler d’un secteur d’activité spécifique à tous les aspects de la vie, comme aujourd’hui celui de l’informatique ou de la finance, employés pour évoquer jusqu’aux question les plus intimes, là où ces métaphores étaient en d’autres temps plus volontiers empruntées au monde de la sidérurgie ou de l’agriculture.

Faire apparaitre ces images en tant que telles, de manière littérale, permet d’en rendre la portée idéologique manifeste. Il s’agit alors de travailler les discours qui les portent comme on le ferait avec un support matériel, opérant sur les énoncés par découpes, grattages, superpositions, effacements, en tressant les flux discursifs, en entremêlant les univers lexicaux, en provoquant des brouillages de signifiants, des interférences entre les stéréotypes ou des redondances dans leur recoupement. Les archétypes qui circulent dans la langue rejaillissent alors pour prendre forme et trouver une matérialité qui permet de pleinement s’en saisir.